Dans les municipalités, les établissements éducatifs ou même aux sièges de gouvernorat, plus de 70 mille ouvriers continuent à travailler dans la précarité, sans sécurité sociale ni prise en charge sanitaire. Leur situation ne date pas d’aujourd’hui. Elle rebondit au fil du temps.
Les ouvriers de chantier, on en a trop parlé, il y a maintenant neuf ans. Un gouvernement qui vient, un autre s’en va, alors que ce dossier fait, hélas, du surplace. Pourtant, il y avait eu accords et promesses de régularisation de la situation de plus de 70 mille embauchés dans des emplois précaires, sans couverture sociale ni sanitaire. Ils ont manifesté, protesté, parfois lâché du lest, sans voir, jusqu’ici, rien venir. Leur voix se fait entendre partout et leur seule revendication a retenti dans tous les coins du pays comme une caisse de résonance. Mais, en vain. Aucun gouvernement n’a pris son courage à deux mains.
Faute de quoi, ces ouvriers de chantier ont décidé de ne plus reculer. Pour eux, c’est une question de dignité. Finie la trêve, ils reviennent à la charge. Aujourd’hui, mercredi, ils vont, de nouveau, protester devant l’ARP au Bardo, où ils comptent observer un sit-in ouvert et prolongé. Un point de non-retour, jusqu’à ce que leur seule et unique demande soit satisfaite. « Cette fois-ci, on ne partira pas sans une solution juste et définitive, suite à laquelle la situation de tous les ouvriers sera officiellement régularisée », insiste la coordination dans son récent communiqué. Et d’enfoncer le clou, disant être prête à tous les scénarios. Autant dire qu’ils militent pour mettre en vigueur le procès-verbal du 28 décembre 2018 portant régularisation de leur situation professionnelle, revendication qui perdure depuis 2011.
Indigne !
Qu’en est-il au juste ? Dans les municipalités, les établissements éducatifs ou même aux sièges de gouvernorat, plus de 70 mille ouvriers continuent à travailler dans la précarité, sans sécurité sociale ni prise en charge sanitaire. Leur situation ne date pas d’aujourd’hui. Elle rebondit au fil du temps. Qu’attend-on pour éviter l’inévitable ? Le ministre des Affaires sociales, M. Mohamed Trabelsi, avait, lui-même, reconnu la légitimité d’un tel dossier. Ses propos ont toujours été rassurants. Un jour, son apparition sur un plateau télévisé avait mis du baume au cœur : « Aucun ouvrier de chantier ne sera congédié… », avait-il ainsi déclaré, avant de se rétracter, reconnaissant que la régularisation de la situation n’est pas aussi facile, vu les difficultés rencontrées à plusieurs niveaux. Pourquoi ? Tout d’abord, un problème d’intégration à l’échelle des régions intérieures qui manquent d’entreprises et de potentiel professionnel assez suffisant. Ensuite, de par les profils très limités que présentent ces ouvriers dont la majorité est quasiment analphabètes ou déscolarisés.
N’empêche, après neuf ans, il n’y a plus de motif valable pour les remercier ou les marginaliser. Quitte à devenir une bombe à retardement. « On fait assumer à nos députés, partis politiques et société civile, toute la responsabilité d’un tel imbroglio », lance, en conclusion, la coordination des ouvriers de chantier.
Car de pareilles conditions d’emploi pour le moins indignes ne reflètent nullement le fameux slogan de la révolution « emploi, liberté et dignité ». Révolution dont cette catégorie a payé un lourd tribut.